Lors de notre dernier déjeuner causerie « Mieux être et performance: échecs et succès », une série qui a pour objectif d’identifier en toute transparence les meilleures pratiques ainsi que les pièges à éviter, nous avons eu l’honneur d’accueillir Yves Desjardins-Siciliano, PDG de Via Rail Canada de mai 2014 à mai 2019.

À l’ère de la rapidité d’action et de la déshumanisation des milieux de travail, Yves nous parle de l’importance de développer la présence et l’empathie au sein des organisations.

Interrogé sur la place de l’empathie en ce qui a trait au leadership, notre invité nous peint les qualités d’un leader pour ramener l’humain au cœur des organisations.

  1.  Un leader qui s’intéresse à ses gens

« Un bon gestionnaire connait ses gens car c’est auprès d’eux que réside le cœur de l’organisation. Il se sent concerné par ses gens. »

Bien sûr, quand j’entends ça, j’ai envie d’y croire, mais qu’en est-il de la réalité, à notre époque où on court après le temps, où un directeur d’entreprise a tant d’affaires à gérer, comment vraiment le prendre, ce temps?

Comme s’il avait entendu mes doutes, Yves renchérit: « Il ne s’agit pas seulement de prendre le temps de saluer ses collaborateurs, mais de vraiment comprendre les écosystèmes dans lesquels ils évoluent et les relations interpersonnelles qui en découlent : C’est quoi la réalité à la maison de Madame Jeanne? Combien d’enfants a-t-elle? Qui s’en occupe? Quels sont ses rêves? Ses projets à long terme? ».

« Des années plus tard, on ne se rappelle pas du nombre de contrats signés mais des personnes avec qui on a travaillé. »

Venant d’un ancien président d’une organisation de plus de 3 000 employés, je suis inspirée et me fais une note pour renforcer cette connexion avec les gens de mon équipe en interne pour que, advenant une occasion, même si je n’ai pas le temps, je prenne ce temps. Car s’il y a bien une notion aléatoire, c’est bien le temps, non?

2.              Donner du sens

Sans transition, Yves enchaîne sur l’importance pour un leader de donner du sens :

« Le leader est là pour donner du sens au travail de ses collaborateurs, pour partager la vision et non pas pour être le chef des bidules. 

Trop communément de nos jours, le chargé du bidule devient le responsable des bidules puis le directeur des bidules. Or ce ne sont pas les bidules qui font le succès d’une organisation. Être un bon gestionnaire, être un leader, ce n’est pas connaître les bidules sur le bout des doigts, c’est être là pour ses gens, car ce sont eux qui font le succès d’une organisation. »

Le langage pratico pratique, le charisme et la bonne humeur contagieuse d’Yves, fait rire l’auditoire. Tout le monde comprend la pertinence de son propos.

Yves continue : « Qu’est-ce que ça veut dire, être là pour ses gens? C’est être présent dans les différentes étapes de leurs vies, arranger les emplois du temps quand c’est possible en cas de maladie ou de naissance. Et aussi faire preuve d’un management aligné : le plus grand défis organisationnel, qu’on soit une organisation de 12 ou de 12 000 personnes, c’est l’alignement des gens sur le plan de la vision de l’entreprise, sa mission, ses stratégies d’affaires, l’alignement de tout ça.  C’est cet alignement qui donne du sens, ce n’est pas être le chef des bidules. »

  1. Mettre l’humain au cœur des décisions

Yves ouvre une parenthèse, comme pris d’un petit moment de nostalgie: « À l’époque, on arrivait au travail, tout le monde se saluait; quand on faisait une vente, on allait sonner la cloche au centre des bureaux et on partageait ce succès avec toute l’équipe. Aujourd’hui les bureaux sont vides et les courriels remplacent les interactions. C’est donc primordial, à notre époque où nous avons donné tant de place aux technologies, de replacer l’humain au cœur des organisations. »

On sent qu’Yves apprécie les interactions humaines. Il partage cette pensée : « Remplacez les chiffres par des visages et vous prendrez de meilleurs décisions pour votre organisation, car derrière ces chiffres, il y a des communautés, des familles et cela a un impact direct sur le pouvoir de vos équipes à bien faire leur travail. »

Ensuite, Yves aborde le sujet des licenciements. La salle se crispe, mais nous sommes là pour parler des vraies choses, et Yves a dû en voir de toutes le couleurs tout au long de sa carrière, alors tout le monde retient son souffle et tend l’oreille, car bien que ce soit une réalité difficile, c’est une réalité du monde des affaires :

« Quand la santé financière d’une organisation est à risque, la première action posée est la restructuration des équipes en passant par une mise à pied de ses gens. Alors comment, dans ce cas, ramener l’humain au cœur de l’organisation?

Dans ces moments-là, il est facile de remercier juste une liste de chiffres et de lettres, mais si ces noms sont associés à des individus, si on a appris à les connaître à travers divers interactions et si le leader comprend les conséquences de cette action sur eux-mêmes et leurs écosystèmes, on trouve d’autres solutions. On est obligé. Et d’autres solutions, il y en a toujours. »

Ouf! Tous ensemble, assis sur nos fauteuils, regonflés d’espoir pour le monde du travail, on respire à nouveau. 

  1. Montrer l’exemple

Et enfin, Yves nous rappelle l’importance de montrer l’exemple en tant que leader, à travers notre comportement et nos actions. Comme il l’avait mentionné précédemment:

« Le plus important dans le leadership, c’est l’alignement ».

Cette fois encore, il nous parle d’un exemple très concret : « Si nous voulons que nos employés soient bien, nous devons leur montrer notre propre bien être et incarner la présence. Quand un employé fait un rapport à sa direction, ou lors d’une réunion du conseil, si l’un des membres de l’équipe de direction a les yeux rivés sur son téléphone, cette personne envoie des signes de désintéressement et cela va décourager ou même démotiver cet employé. Car derrière cet échange professionnel, ce sont deux humains qui communiquent et seulement 7 % de notre message est transmis par les mots que nous utilisons contre 55 % par notre langage corporel et 38 % par le ton de notre voix comme l’ont vérifié les travaux du professeur Mehrabian en 2007 ».

Il est vrai que, d’après notre expérience, au cœur de notre savoir-faire chez Mindspace, les actions visant à réintégrer le mieux être au sein des organisations a vraiment un impact quand nous accompagnons les équipes dirigeantes, car c’est par l’incarnation de ces qualités (c.-à-d. de présence, d’écoute attentive, de bienveillance) par les leaders eux-mêmes, que des changements durables peuvent prendre forme.

Tous les participants applaudissent et remercient chaleureusement Yves pour ses précieux conseils. Il s’ensuit une série de questions, dont une reste en suspens.

La question de Cyril, jeune homme d’affaires : « Comment intégrer l’importance du mieux-être dans les organisations quand le seul critère d’évaluation est la performance économique? »

Cette question, on se la pose quotidiennement en interne, chez Mindspace au travail :

Comment mesurer si les employés sont bien? Car si le travail d’un bon gestionnaire c’est d’inspirer, de motiver ses gens pour qu’ils soient heureux dans leur travail, les salariés, eux, sont majoritairement évalués surtout d’après leur rendement économique.

  • En interne, pour notre équipe, nous regardons de près les solutions comme Officevibe, une plateforme dédiée à l’engagement qui a pour mission de bâtir un avenir du travail plus humain.
  • Au niveau de notre organisation, nous réfléchissons au meilleur moyen d’intégrer nos valeurs pour faire vivre notre culture dans nos affaires. Pour cela, nous étudions le système de B-Corp qui équilibre profits et objectifs.
  • Chez nos clients, pour mesurer notre impact au sein des organisations, nous avons mis en place des outils de mesure, avec des dimensions et des énoncés valides d’un point de vue psychométrique, tels que l’attention, l’acceptation, la réactivité, la mobilisation, la sécurité psychologique, l’estime de soi et la qualité du sommeil.
  • Et au niveau de notre communauté, nous avons co-créé le Think Tank OPCEO, l’Observatoire de recherche sur la pleine conscience en organisation, qui a pour mission d’analyser le développement des pratiques de pleine conscience au travail.

Et vous, quelles sont les initiatives qui vous touchent et quelles sont les actions que vous entreprenez pour remettre l’humain au cœur du leadership et le mieux-être au travail?

Pour poursuivre la conversation, nous vous proposons de communiquer avec nous par courriel ou de se retrouver à notre prochain déjeuner causerie.